Après avoir passé beaucoup de temps au Chili à parler à droite à gauche, on entend que l'autostop est monnaie courante ici pour tous les jeunes qui veulent se déplacer. Maïa nous encourage car elle a réussi à se faire embarquer par des camionneurs qui couvrent de longues distances, une fois seule, une fois accompagnée d'u e fille et une fois de son frère super baraque. A priori donc cela marche, peu importe le profil de l'autostoppeur. Ayant dépassé notre budget semaine d'au moins 10x le montant prévu, l'autostop nous paraît donc la solution parfaite. Nous voici donc aux abords de Santiago à prendre un bus pour arriver près de l'entrée de l'autoroute. Dans le bus, un jeune chilien et un vieux se disputent pour nous donner le meilleur emplacement pour faire de l'autostop, on finit par écouter le jeune qui en a fait récemment et semble être mieux au courant. On se place donc, les pouces levés avec beaucoup d'espoir. Une heure et demie passe et rien, on change d'endroit, on cherche l'endroit le plus adéquat mais rien n'y fait, le temps passe et personne ne nous prend. On se décide donc, en désespoir de cause, à prendre un bus pour s'écarter de la ville. On sort au dernier arrêt qui longe la route 5, celle qui traverse tout le pays en longueur, et on regarde, dépités, le soleil se coucher. On se dit qu'on essaie encore un peu puis qu'on va devoir bivouaquer. Là, au bout de 20min, un pick-up passe, et on voit le conducteur regarder sur sa banquette s'il a de la place, on est plein d'espoir, il s'arrête. On met nos sacs dans la voitures, n'y croyant pas. Lui et son passager nous demandent où on va. Il propose de nous poser à un endroit plus stratégique, là où les bus s'arrêtent, puis petit à petit, ils nous disent qu'ils sont en vacances et ils nous demandent où on loge. "Bah avec notre tente, là où on peut". Là il nous dit qu'il a une grande maison et qu'il y a de la place pour tout le monde si on veut. On a pas vraiment le choix, le soleil se couche et on a un bon pressentiment (je sais, chers lecteurs, "un bon pressentiment" ce n'est pas un gage de sécurité), donc on accepte. On arrive dans un lotissement privé, les gardes vérifient l'entrée et la sortie, je me dis qu'au moins on aura des témoins. On arrive à la maison, elle est grande, sur un grand terrain. Il nous montre la salle de jeux au fond du jardin, où son fils dort, nous dit qu'on sera bien là et nous donne la clef. Il nous montre ensuite la piscine à jets, et son Quad. Il nous invite à faire un tour avec dans la propriété, on finit par accepter mais on exagère pas, gênés. Le propriétaire, Alejandro, nous dit que comme il est trop gros, son médecin lui a interdit de manger de la via de et qu'il doit se mettre au poisson. Il prépare donc un gros saumon entier en faisant une recette sur le tas: un oignon coupé fin, du poivron, des morceaux de saucisson, "juste pour donner du goût", du sel et du piment. Je ne vois aucune herbe, je m'inquiète, je fouille notre sac pour en sortir un citron et agrémenter le saumon. On le referme en papillote et on le met sur le feu. Alejandro demande à Jaime, le passager, de surveiller le poisson pendant qu'il part avec nous chercher du vin dans le village d'à côté. En montant dans la voiture, il dit:"oh mon dieu il parle trop! Le pauvre il vit avec sa mère donc il peut pas s'empêcher de parler, ce vieux garçon!". On part en ville, il achète 2 bouteilles de vin à la supérette bondée, plus de témoins pensai-je et on revient. Il nous montre la piscine, le club, le terrain de tennis de la propriété. C'est superbe. Il est ingénieur, un truc avec les minéraux, ça rapporte beaucoup au Chili dit-il. Au passage, on pique des citrons au voisin pour le saumon mais quand on arrive. Le saumon est haut sur la grille, le feu faiblard et le foot mis à la télé. Rien n'a cuit. Jaime se défend "oui c'est une méthode de cuisson douce!", Alejandro dit "ah la dernière fois il était tellement bourré qu'il nous a carbonisé l'agneau à la broche!". Il remet du bois et baisse la papillote puis met du papier journal par-dessus, "technique de clochard" dit-il. Et en effet, 10min plus tard, le poisson était parfaitement cuit, quelle technique dis dons! On mange et contre toute attente, c'est délicieux! Alejandro nous explique qu'il a passé 10 à bosser comme un porc et qu'il en a marre, quand il était jeune, il était hippie, il veut vivre maintenant. D'ailleurs il a acheté une moto sur internet pour la revendre plus chère et donc demain il se lève tôt et nous dépose à l'arrêt de bus. On lui suggère de se lancer dans le vert, puis on parle des avocats qui sont si bons et si bons marché ici, il dit "oui je vais faire pousser des avocats en France!". On lui dit que ça pousse pas mais il dit qu'il saura comment faire. La soirée passe et le repas se finit, il ne reste aucune miette. Alejandro nous dit qu'il se fait tard, qu'on doit être fatigués, alors il nous invite à nous coucher. On va dans la cabane donc et on s'enferme, incrédules. On dort comme des bébés et au matin il frappe à notre porte:"petit-déjeuner!". Là encore on parle, on s'échange les numéros et ils sont contents que je comprenne leur Chilien, Alex de son côté comprend presque tout aussi. En partant, il prend un ouvre-boîte, me le tend et me dit que j'en aurai besoin, nous emballe des humitas (gâteau de maïs) et du pain. "Vous êtes sûrs? Vous avez besoin de rien d'autre?". Il nous dit de l'appeler quand on sera au Macchu Picchu, qu'il veut nous accompagner. Ils nous accompagnent jusqu'à une aire de repos, lieu stratégique pour faire du stop et nous dépose, hébétés. Quand ils partent, on reste là, bouche bée, il ne s'est rien passé, c'était juste de la bonté, ou un riche en crise de la trentaine qui s'ennuie, on s'en fout, c'est la même chose. On reste ébahis et on se dit que quand même, Maïa avait raison! Fou et gentils ces Chiliens!